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mardi 26 juillet 2011

La fille de l'ATFD

Nous avons rendez-vous avec Meriem Zeghidi au fameux Café - jaune - du Théâtre, en plein centre de Tunis. Nous l'avons croisée ce week-end à Mahdia durant les Assises pour la constitution où elle intervenait en tant que membre de l'ATFD. Comme la plupart des militantes, son emploi du temps est serré. Elle nous rejoint donc juste après avoir mangé avec son enfant auquel elle essaie de consacrer un peu de temps malgré son planning surchargé... A 32 ans, Meriem qui a étudié aux Beaux-arts de Tunis, reprend des études en Arts plastiques. Mais ses activités militantes font partie intégrante de sa vie depuis toujours. Fille et petite-fille  de féministes tunisiennes, Meriem parle avec fierté de sa grand-mère maternelle Gladys Adda, fondatrice du Mouvement Féministe Autonome au sein du PC dans les années 50 : "Elle a fondé l'Union des Femmes Tunisiennes (UFT) qui a existé avant et après l'indépendance.". Le côté paternel n'est pas en reste d'un point de vue militant : père et grands-père syndicalistes, ce dernier Georges Adda, dirigeait le PC avant l'indépendance. "Ce sont des valeurs qui m'ont été transmises : l'égalité, la non-discrimination...". Très tôt, Meriem suit ses parents dans les congrès : "Il n'y avait pas de gardes d'enfants à l'époque.". C'est peut-être pour cela qu'à l'adolescence elle fait un rejet du militantisme. De courte durée, cette phase de "rébellion familiale" abouti à un véritable engagement : à 20 ans, elle demande son adhésion à l'ATFD. "Je connaissais déjà toutes les femmes de l'association, c'étaient des copines de mes parents! Je suis la fille de l'ATFD ! " s'exclame-t-elle en riant.
Au local de l'ATFD
Mais revenons au militantisme de Meriem. Après un séjour de 4 ans en France, elle revient à Tunis. L'ATFD cherche alors quelqu'un qui prenne en main le Centre d'écoute et d'orientation des femmes victimes de violences (CEOFVV), actuellement l'unique centre d'aide aux femmes dans toute la Tunisie! "Sous Ben Ali, il existait l'Union Nationale des Femmes Tunisiennes (UNFT) avec un centre pour femmes battues. Mais il n'y avait que 60 lits et l'argent était détourné. La directrice ouvrait les portes du centre quand elle en avait envie. ça me révoltait! Elles accueillaient les femmes battues et la première chose qu'elles faisaient c'était ... d'appeler leur mari! Pour une sois-disant séance de réconciliation. Le centre était un organe du parti, l'homme se sentait soumis et disait ce qu'on voulait entendre mais une fois rentrés à la maison, il se vengeait deux fois plus sur sa femme. Les femmes de ce centre avaient un discours destiné à faire revenir la femme vers son mari même s'il était violent. Elles disaient "C'est ton mari, ton homme, c'est comme ça...". Une démarche à l'inverse de celle de l'ATFD qui a manqué de moyens pendant longtemps. "Notre approche est féministe et solidaire. On pratique l'écoute, le soutien psychologique, l'orientation juridique, on a des avocates qui prennent en charge les femmes, les accompagnent au tribunal. Il y a un accompagnement social. Nous faisons les contacts avec les institutions, les délégué(e)s à l'enfance. Certains sont très compétents mais nous préférons suivre quand même l'affaire jusqu'au bout pour ne pas qu'il y ait de dérapage ou de laisser-aller." Les actions de l'ATFD sont multiples : en 2004 elles gagnent la campagne pour faire reconnaître le harcèlement sexuel (et nous savons grâce à nos différentes rencontres avec Sonia, Loubna etc... à quel point les conditions de travail sont difficile pour les femmes). Meriem nous explique que la loi votée n'est pas complète : "La femme doit prouver le harcèlement sexuel et si le juge pense que l'agresseur est innocent, la femme est poursuivie pour faux témoignage.". De plus, on constate que les femmes, comme partout, n'osent pas porter plainte : "c'est très difficile pour les femmes de porter plainte car elles reçoivent des menaces de la part de leurs supérieurs hiérarchiques. Évidemment, les hauts responsables étaient tous liés au pouvoir par la RCD... La politique c'était juste une mafia. Le monde du travail est très difficile pour les femmes, en plus on ne reconnaît pas leurs compétences. Les hommes ont davantage la possibilité d'être dans le champ public, ils n'ont pas de tâches liées au foyer, aux enfants..." Et Meriem conclut avec cette phrase qui nous laisse songeuses : "Finalement, les femmes ont été moins proches du pouvoir et de fait elles se sont moins salies ..."

Au local de l'ATFD
La révolution :
"La révolution a permis aux féministes de pouvoir parler, de pouvoir tenir un congrès dans une salle avec des invité(e)s comme les 3-5 juin. Avant, on ne pouvait pas. Les congrès se tenaient dans nos locaux, sans pouvoir inviter de gens. On n'avait pas le droit d'avoir des salles publiques ni dans des hôtels." (Je repense à notre étonnement concernant le lieu choisi pour mettre en place une constitution à Mahdia.) "On a appelé pour la manifestation contre les violences et pour la liberté d'expression.C'était difficile car à Kerouan on a été attaquées par les anciennes militantes de l'UNFT. On avait monté les gens contre nous, ils nous attendaient en scandant "Dégage! Dégage!". On leur soufflait à l'oreille qu'on était des femmes dépravées, qu'on n'avait pas d'hommes à Tunis, qu'on allait dépraver leur femme et leurs filles... Il y a beaucoup de manipulations et les gens ont peur. Ils n'ont pas envie de revenir en arrière. Dès qu'on leur dit quelque chose, ils réagissent..."
Meriem répond à nos questions concernant les féministes tunisiennes et leurs liens avec la diaspora française (voir l'article rédigé avec Monika pour Presse et Cité). Elle retrace un peu l'histoire du féminisme tunisien et arabe et évoque le réseau féministe Aïcha dont l'ATFD fait partie depuis quelques années. L'association est également présente au sein de la Marche Mondiale des Femmes (MMF). "On a fait la marche en février 2011 avec les slogans de la MMF, avenue Bourguiba. On était 2000 personnes!" Nous constatons que le réseau international féministe est bel et bien présent et actif en Tunisie!

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