Au café du Théâtre, je retrouve Khouloud toute enjolivée dans sa veste tailleur noir et blanc. Elle semble épanouie, pourtant une onde de tristesse assombrit son visage lorsque nous évoquons la situation des femmes et l’organisation du 8 mars. Depuis la manifestation de l’UGTT (Union Générale Tunisienne du Travail) la semaine dernière qui a été violemment réprimée par la police, la peur est revenue. L’UGTT a préféré ne pas lancer d’appel à la manifestation le 8 mars de peur que ça dégénère. Et Khouloud m’annonce, gênée, que pour le moment l’ATFD (l’Association Tunisienne des Femmes Démocrates, l’une des deux grandes associations féministes tunisiennes - voir les billets n°3 et n°20) ne s’est pas encore prononcée, bien qu’elle ait lancé un appel à participation. Elle organise néanmoins une conférence de presse le 8 mars... Certes... «C’est la merde!» lance Khouloud dans une moue résignée. Pour la manifestation, seules quelques associations ont répondu présentes... ça augure bien... Khouloud semble affectée et désemparée face à la situation actuelle. L’avenir s’est assombri depuis les élections et les promesses de la révolution semblent lointaines. La liberté s’est envolée comme un espoir vain et éphémère. Comment poursuivre le combat?
Khouloud au café du Théâtre - octobre 2011 |
Khouloud me raconte avec enthousiasme les dernières formations qu’elle a suivies à l’ATFD sur la psychologie et les droits sexuels et corporels. Ces modules proposés sur deux jours, généralement le week-end, sont ouverts à toutes et tous - bien qu'un seul garçon était présent. Ces formations sont très importantes pour les femmes. Même si cela s’apparente à une goutte d’eau dans un océan d’ignorance dans lequel l’on voudrait noyer les femmes...
Pendant ce temps, me raconte Khouloud, les salafistes tentent d’introduire en Tunisie une pratique venue d’Egypte : le «mariage coutumier». La constitution tunisienne actuelle, essentiellement rédigée sous l’ère Bourguiba, interdit la polygamie. Certains islamistes ont donc recours à une sorte de contrat de mariage pourtant non reconnu par la loi. Cela leur permet de prendre une ou quelques épouses en plus, parfois sans que la première épouse soit au courant! On est bien obligé d’accepter ce contrat illégal lors des naissances afin que la femme ne se retrouve pas dépourvue et considérée comme fille-mère et que l’enfant puisse porter le nom du père.... Pour les extrémistes, tous les moyens sont bons pour contourner les lois et asservir les femmes!
Mon amie me fait un petit état des lieux de la Tunisie qui me laisse songeuse quant à l’avenir du pays. Les éboueurs ont fait une grève de 4 jours pour réclamer une augmentation de salaire. Il n’ont rien obtenu de la part du gouvernement qui bloque tout au nom de la «crise». Ils ont perdu 4 jours de salaire. Les éboueurs gagnent 150 dinars par mois et n’ont droit à aucune assurance maladie : ni la CNRPS, ni la CNSS. A Sousse, des manifestations ont également eu lieu...
Décidément, la révolution n’a pas encore tenu ses promesses...
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