Pour mon troisième voyage en Tunisie post-révolutionnaire, j’ai l’occasion de faire le trajet dans la chambre d’un bateau de la compagnie italienne Grandi Navi Veloci ... Cette chambre spéciale handicapé (on m’a sollicitée pour conduire la voiture d’un français en fauteuil roulant jusqu’à Tunis. Je m’improvise également «accompagnatrice»... Heureusement, une fois n’est pas coutume!) est censée être plus spacieuse que les autres. Elle reste néanmoins bien étroite. Et surtout, il n’y a pas de fenêtre. Seul, un tableau qui tente péniblement d’imiter un paysage type ‘Rome ancienne’ semble vouloir donner la vague illusion d’une ouverture sur le monde.
Je me souviens alors de mon premier voyage en bateau de Tunis à Marseille en juillet dernier avec la compagnie maritime tunisienne. L’ambiance était à l’opposé de celui-ci. On m’avait prévenue : Inutile de prendre une chambre. Tu réserves un siège pour la nuit et tu verras, dès le soir les tunisiens organisent le couchage. La salle se transforme tel un kit Ikea version méditerranée : les coussins des sièges sont retirés et posés à terre pour former des matelas improvisés. Contre les parois, sur les côtés, les bagages servent aussi bien de dossier que de frontière naturelle entre deux lits. Certains ont même amené la couette et les oreillers qu’ils installent sur de grands tapis de sol : confort garanti! Parfois la glacière familiale contenant les trois repas passés à bord complète la panoplie du parfait voyageur de luxe improvisé. Certains dorment entre les rangées des sièges décharnés. On se présente entre voisins proches et si le courant passe bien, l’on se promet de garder nos affaires à tour de rôle durant la soirée. Une communauté éphémère se crée le temps du voyage - 24 heures chrono. Parfois on se raconte nos vies ici et là-bas. La nostalgie du pays mêlée à la fierté de s’en être quand même sorti et de pouvoir apprécier un certain confort et une liberté qui manquait cruellement. Les interminables trajets allers-retour de toute une vie à cheval entre deux continents.
Juillet 2011 sur le bateau Tunis-Marseille |
Au petit matin, bercé par le ronron du moteur, on se réveille avec le soleil levant. Les corps endormis sous les couettes, aux contours informes, éclosent comme des fleurs nouvelles au contact de la lumière douce de la méditerranée. Marseille est à quelques heures, cachée derrière la ligne d’horizon. Bientôt l’immense dortoir se transformera en salle d’accueil des voyageurs et les sièges retrouveront leur forme initiale. La télé diffusera à nouveau les programmes tunisiens et la salle se tordra de rire devant un téléfilm qui semble très populaire en Tunisie. Bientôt aussi, les mouettes viendront tournoyer autour du bateau, rieuses compagnes nous annonçant que le voyage touche à sa fin. Nous sommes au mois de juillet 2011, les élections de l’assemblée constituante n’ont pas encore eu lieu. Le vent de la révolution souffle encore dans le cœur des braves et des innocents...
Aujourd’hui, en ce mois de mars 2012, plus d’un an après la chute de Ben Ali, le peuple semble à nouveau divisé. A l’époque uni contre un seul homme, un seul régime, il semble avoir éclaté dès l’annonce des premières élections et de ses éternels enjeux de pouvoir. «Diviser pour mieux régner» cette maxime universelle fonctionne ici comme ailleurs. Chacun veut plus que sa part du gâteau. L’attrait du pouvoir est sans limite et les femmes et hommes qui luttent pour un monde juste et égalitaire ont peu de moyens.
Aujourd’hui, on s’attaque aux plus vulnérables socialement. Aujourd’hui, on s’attaque à celles qui ont fait la révolution en essayant de leur retirer leurs droits pourtant acquis depuis plus de 60 ans. Aujourd’hui, on, c’est-à-dire ce gouvernement transitoire trop vite élu par un peuple à peine remis de plus de 20 ans de dictature, veut imposer au peuple tunisien une nouvelle dictature : à la fois libérale et religieuse.
Aujourd’hui, on s’attaque aux plus vulnérables socialement. Aujourd’hui, on s’attaque à celles qui ont fait la révolution en essayant de leur retirer leurs droits pourtant acquis depuis plus de 60 ans. Aujourd’hui, on, c’est-à-dire ce gouvernement transitoire trop vite élu par un peuple à peine remis de plus de 20 ans de dictature, veut imposer au peuple tunisien une nouvelle dictature : à la fois libérale et religieuse.
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