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vendredi 22 juillet 2011

La préparation, une histoire de langue (Mahdia 3)

Lorsque j'avais 15 ans, je voulais apprendre l'arabe. Je vivais près d'un quartier populaire du 18° arrondissement de Paris, à forte population maghrébine et j'avais passé mon enfance à Montreuil, dans le "neuf trois". La langue arabe était familière à mes oreilles depuis longtemps. Mais à l'époque il n'existait qu'un seul lycée proposant cette option et il était loin de chez moi. J'ai donc abandonné. Pourtant j'étais persuadée qu'un jour ce serait à nous, français, occidentaux, d'apprendre cette langue que j'entendais pratiquer par des personnes dont j'admirais le bilinguisme.

La question de la langue n'est pas anodine. Ici, nous côtoyons des personnes impliquées dans des associations, issues des classes moyennes, dont beaucoup travaillent dans l'enseignement. Il nous paraît naturel de les entendre parler français avec nous. Pourtant, la veille de son intervention à Mahdia, Fathi Chamkhi nous fait part de sa réflexion : "Je vais faire un speech pour présenter un atelier intitulé "La souveraineté populaire" et le texte que j'ai écrit et que je distribue aux participants est rédigé en ... français! Il y a un problème! C'est incohérent!".


Se réapproprier sa propre culture, sa "souveraineté", passe bien entendu par la langue (et la langue française, imposée au peuple tunisien est celle du colonisateur). L'acte politique et culturel est posé : il est décidé que les textes ainsi que le débat seront en langue arabe même si la majorité des personnes présentes parlent français (Voir billet n°9 : Le bottin). Je remarque que cette question est récurrente notamment dans d'autres ateliers. Par exemple, durant l'après-midi, certains invités ont dit leur présentation en français et cela leur a été reproché. Car ça pénalise les personnes qui ne maîtrisent pas bien cette langue. L'arabe est la langue du peuple. A contrario, on a pointé le fait que l'un des intervenants avait parlé en arabe...littéraire. Cette langue qui permet aux arabes de différents pays de communiquer entre eux, quelque soit leur nationalité provient de l'arabe classique pré-coranique. Mais chaque pays possède son propre dialecte arabe. Généralement, les tunisiens parlent entre eux l'arabe tunisien. J'essaie - parce que l'on a toujours besoin de se référer à quelque chose que l'on connaît - de comprendre en comparant l'arabe littéraire au latin. Si la pratique du latin s'était perpétuée, les Européens du sud-ouest pourraient communiquer entre eux sans problème tout en parlant chacun leur propre "dialecte" latin...
Finalement, le texte de Fathi a été traduit et distribué en arabe
"Atelier 9 : Souveraineté populaire"

Ce vendredi soir, nous participons à l'élaboration de l'atelier 9 : "Souveraineté populaire" organisé par Fathi. Chacun apporte sa petite pierre à ce futur édifice que sera la constitution tunisienne. Chacun, avec sa propre expérience de tunisien, de français et même de réfugié politique ivoirien en la personne de notre ami Achille. Nous partageons le sentiment qu'ici tout est à faire, tout est à construire. Fathi a souhaité que nous participions (Renaud, Monika, Achille et moi-même) à son atelier bien que l'organisation du congrés ai souhaité que seuls les tunisiens puissent participer à l'écriture de leur constitution. J'arrive à comprendre leur point de vue, mais Fathi s'insurge : "Je me sens plus proche de vous que de mes propres voisins! Je suis internationaliste, je ne veux pas de frontières entre les peuples. Qu'est-ce que ça veut dire être tunisien?". Et que dire des tunisiens émigrés, de ceux qui reviennent de temps en temps, de ceux qui ne sont pas revenus, de ceux qui sont nés ailleurs... Car nous apprenons que la nationalité tunisienne se transmet par le père. Un enfant né en France de père tunisien est automatiquement tunisien même s'il ne parle pas arabe et n'a jamais mis les pieds "au pays". A l'inverse, un enfant né de mère tunisienne...


Lorsque nous allons enfin nous coucher, nous savons que Mokhtar et Fathi travaillent encore sur la préparation de l'atelier n°9 intitulé "La souveraineté populaire".

Pendant que nous travaillons, les touristes rubiconds somnolent dans le hall de l'hôtel


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