Descendre de Tunis à Redeyef, c’est passer d’un paysage de
verdure à une étendue ocre où se détachent au loin les montagnes de la
frontière Algérienne. Une région de
contrastes où la terre est porteuse d’une richesse dont l’exploitation n’a fait
que dégrader la vie des habitants. Le phosphate est partout présent dans ces
montagnes à la roche friable. Cet or gris scintille dans les particules de l’air
que l’on respire, lorsque le vent balaye les monticules de poudre sis dans la
ville. Une richesse que les hommes et les femmes de Redeyef voient partir en
poussière argentée tandis que la ville s’appauvrit, que le taux de chômage
augmente et que les employés sous-payés observent les riches dirigeants des
usines et des entreprises de sous-traitance posséder davantage de maisons, de voitures,
voire de femmes…
Lorsque je débarque du bus à l’arrêt situé près d’une des
multiples mosquées qui essaiment dans la ville, je suis accueillie par la
famille de Leila et Béchir Labidi. Filles et nièces ont attendu patiemment mon
arrivée malgré les deux heures de retard du bus. En pleine côte celui-ci s’est
tout doucement éteint et j'ai considéré avec surprise les voyageurs défilant le long du véhicule avec des bouteilles
d’eau pour refroidir le moteur… La routine. Pourtant la jeune infirmière assise
près de moi et qui fait plusieurs fois par semaine le trajet de sa maison de Gafsa
jusqu’à son travail à Redeyef (le secteur hospitalier est essentiellement
occupé par des femmes) s’impatientait en regardant sa montre. Par le bus, deux
heures de route abimée sont nécessaires pour relier Gafsa et Redeyef pourtant distantes de
70 km.
Les filles rigolent lorsque je leur demande pourquoi les
maisons de la ville ne sont pas terminées. Question un peu naïve lorsque l’on
réfléchit aux conséquences des manifestations de 2008 sévèrement réprimées par
des arrestations, emprisonnements et tortures. Dans une région où le chômage
atteint presque les 50%, la plupart du temps ce sont les hommes qui
travaillent. Et lorsque ceux-ci sont emprisonnés, les ressources de la maison
sont tout bonnement coupées. Pourtant la
pauvreté n’a pas stoppé toutes les constructions de Redeyef : en
témoignent le bâtiment flambant neuf des télécommunications qui n’a jamais
servi ainsi que la Mosquée qui a poussé en quelques mois après la révolution et
semble dominer le paysage avec sa tour phallique et illuminée la nuit… Tout un
symbole !
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