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lundi 12 mars 2012

La révolution à l’école...

 J’ai rendez-vous avec Majda dans la ville de Solimane (que l’on prononce «Slimène») tout près de Ben Arous dans la banlieue sud de Tunis. Elle y enseigne le français dans une école primaire. Lorsque j’arrive très en retard après avoir tourné en taxi, je repère l’établissement grâce à la nuée d’enfants qui essaiment à travers les ruelles de ce quartier populaire. A peine entrée dans l’immense cour en terre battue, une petite fille viens vers moi et me prend la main pour me conduire quelque part. Elle ne parle pas le français mais comme la plupart des enfants, elle sait se faire comprendre. Et je comprends qu’elle sait bien qui je suis et qui je cherche. J’avise les salles de classe sur le côté de la cour où les portes grandes ouvertes laissent pénétrer la lumière du soleil de midi. Aux murs, l’alphabet français et les mots écris comme dans n’importe quelle école de France. Majda arrive enfin. Les enfants m’ont attendue pour la photo et sont très émus de cet événement. Elle tient à me montrer les spécificités de ses cours. Au mur, à côté des lettres de l’alphabet, à la place des classiques phrases de type  «Pierre mange du chocolat» on trouve «Révolutions arabes : le printemps continue» juste au dessus du tableau noir. Près d’une fleur dessinée sous laquelle le mot fleur est écrit, un papier révèle les deux mots qui composent «lutte sociale». Est-il besoin d’un dessin dans une classe où les bureaux des enfants sont à moitié mangés par l’usure? Majda se plaint du manque de moyens dont l’école pâtit. Elle a déjà envoyé plusieurs lettres de doléances au gouvernement. Mais rien ne change... En attendant elle explique la révolution à sa classe composée en moyenne d’enfants de 5 ans. J’aimerais un jour pouvoir assister à l’un de ses cours carrément révolutionnaire. Pour le moment je ne peux que deviner à travers les feuilles punaisées sur les murs... La question de la dette est évoquée à travers la phrase «Ce n’est pas à nous de payer leur crise» et, pour le cas où l’on n’aurait pas compris, l’affiche «Ce sont eux les fraudeurs» vient renforcer le propos. Pour la partie mathématique, l’énorme chiffre 99% permet d’aborder les proportions de façon ludique... Quand on sait compter jusqu’à 10 on peut appréhender le chiffre 100 et lorsque sur les dix doigts de la main un seul reste abaissé, on devine que ce doigt-là est ce qu’il reste au peuple lorsque tous les autres ont été dévorés par une minorité. Quand à la notion de «Partager les richesses» écrite en lettres rouges au fond de la salle, assurément même un enfant de 5 ans peut comprendre cela...
Les enfants qui apprennent la révolution sont tous très polis voire câlins, car après avoir terminé ma prise de vue, j’ai droit à quelques bisous bruyants sur les deux joues, ponctués d’un «au revoir» prononcé avec application. Cela me va droit au cœur.
Je dis mon étonnement à Majda devant la liberté dont elle dispose dans l’éducation des enfants. Elle me dit que la notion de révolution est partagée par tous comme un événement positif. Et puis, dans l’école tout le monde connaît ses opinions politiques. Militante des premières heures, et cela bien longtemps avant la révolution, elle a toujours été respectée même par ses ennemis politiques. Connue pour ses coups de gueule durant les réunions, elle est aussi appréciée pour son honnêteté, ses convictions et sa soif de justice.

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