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dimanche 30 octobre 2011

Week-end à Monastir

J’ai besoin de prendre du recul avec Tunis. On dirait que l’ambiance de la révolution est retombée comme un soufflé sorti du four… Au moment de passer à la table des élections avec l’appétit en éveil on a le sentiment désagréable d’une légère duperie… Je laisse mes amis tunisiens digérer et vais rendre visite à mon amie Amira à Monastir où elle fait ses études d’ingénieure. A deux heures de train de Tunis cette ville côtière accueille les touristes tunisiens et étrangers durant les vacances. Amira m’apprend qu’on l’appelle « la petite Suisse ». Je n’ai jamais fait de tourisme en Tunisie et j’espère profiter au moins du paysage balnéaire de la ville. Manque de chance, lorsque j’arrive la pluie m’accueille tandis que mon chauffeur de taxi ne voit en moi qu'une simple touriste : il me demande un prix exorbitant pour la course alors que le compteur affiche ses chiffres. Heureusement, Amira m’attend en bas de chez elle et après discussion avec le chauffeur, nous nous mettons d’accord pour un prix relativement normal… Même si ces attitudes peuvent être agaçantes à la longue, j’ai le sentiment que le peuple tunisien n’est généralement ni violent ni méchant, ce n’est pas dans la culture… Il suffit juste de discuter...
 

Amira, comme beaucoup d’étudiants et d’étudiantes tunisiennes, habite en colocation avec trois autres jeunes filles issues de son école. Elles m’accueillent simplement et m’offrent le couvert. Mais Amira veut me présenter son amie Khouloud, qui vit chez ses parents à Monastir. C’est avec plaisir que je me rends dans un café avec les deux étudiantes. Khouloud est très active, fille de militants communistes, elle milite au sein de l’ATFD et de la Ligue Tunisienne des Droits de l’Homme. Il faut dire que cette jeune étudiante en musicologie est quasiment née militante. « Ma mère a été emprisonnée lorsque j’avais quatre mois. Elle devait m’allaiter, j’ai donc été en prison à l’âge de quatre mois… Mais cela m’a rendue malade, j’ai souffert de déshydratation. Ma tante, elle, a été emprisonnée et battue alors qu’elle était enceinte… » Heureusement sans séquelle pour l’enfant qu’elle portait.
Khouloud est révoltée : elle a entendu hier sur Radio Express FM, Rached Ghannouchi, le chef du parti islamiste annoncer 3 propositions : Interdire l’avortement, remplacer l’adoption par la kafala et autoriser la polygamie… Mais Amira n’a pas entendu cela et à priori ce n’est qu’une proposition qui a peu de chance d’être retenue… Le peuple tunisien n’est pas prêt à tout accepter ! Mais Khouloud avoue avoir peur pour les femmes tunisiennes, peur d’être obligées de porter le voile, peur que l’on touche au Code du Statut Personnel (CSP). Khouloud exprime sa colère et son désappointement : « Les tunisiens ont bien choisi leur dictature, cette fois-ci elle est légitime ! »
Amira, toujours calme, parle du club de cinéma dont elle s’occupe dans son école. Khouloud lui lance : « on est dans une guerre culturelle, tu ne crois pas ? ». « C’est pour cela qu’il faut travailler… » répond Amira dans un sourire. Khouloud enchaîne : « Aujourd’hui tout le monde parle mais personne ne fait rien! ». « Le cinéma ne touche qu’une élite, poursuit Amira. Faire un club à l’école permet d’amener l’art aux gens ». « On doit travailler sur l’éducation populaire... » approuve Khouloud. Les deux amies expliquent que le peu de films projetés en Tunisie sont pour la plupart américains. L’hégémonie de la culture américaine touche autant la France que la Tunisie. Mais ici peu d’espaces existent pour projeter d’autres types de films. Amira est persuadée que le cinéma est un outil qui peut beaucoup influencer les gens. Et je partage son avis. L’idéologie américaine véhiculée par les films US n’est pas sans effet. Et à l’inverse, de "petits" films peuvent apporter un point de vue particulier, informer ou tout simplement faire réfléchir… Avant les élections, Amira a projeté un film algérien sur l’histoire d’une jeune fille obligée de porter le voile, ce qui a donné lieu à un débat. De son côté, Khouloud parle de son expérience associative avec l’ATFD avant les élections : « Nous avons été à Sousse dans un foyer de jeunes filles pour les encourager à aller voter. Nous faisions des ateliers sur le thème « Qu’est-ce que la démocratie ? ». Une jeune fille a répondu « c’est accepter l’avis de l’autre ». Mais quelques temps après elle a dit qu’il fallait fermer la chaîne de télé Nessma (qui a diffusé le film Persépolis nda). Je lui ai dis « Mais ce n’est pas la démocratie ! » et elle m’a répondu : « Non, c’est la religion, on n’y touche pas ! »
Les deux jeunes femmes restent préoccupées par le sort des femmes tunisiennes. Khouloud a déjà été agressée verbalement dans la rue par des hommes, et lorsqu'elle se souvient que sur Facebook un internaute a prôné l'impunité du viol si la femme est habillée de façon trop provocante, elle en frémit encore, même si l'homme est censé avoir écopé de 6 mois de prison. Amira, elle, rigole de l'attitude de leur amie commune Fedia : "Elle a porté des mini-jupes sur l'avenue Bourguiba..." Intriguée, je demande aux deux amies ce qu'est, pour elles, la longueur d'une "mini-jupe". A quelques centimètres de distance, la mini-jupe se situe juste au-dessus des genoux pour Amira et au niveau des cuisses pour Khouloud... Tout est question de point de vue... Mais ce qui est sûr c'est qu'au-dessus des genoux, une jeune femme doit s'armer de courage pour sortir sur l'avenue Bourguiba... D'ailleurs, dans la soirée, on apprend par Facebook qu'une professeure d'université a été verbalement agressée en cours par ses élèves car elle portrait une jupe...

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