Wassila nous invite à manger chez elle en attendant notre prochain rendez-vous. Professeure d'arabe avant d'être représentante syndicale, elle vit seule avec ses deux enfants dans son appartement de la banlieue sud de Tunis. En franchissant la porte d'entrée qui donne directement sur le salon, mon regard est immédiatement attiré par le portrait d'un homme au-dessus du canapé. Il s'agit du mari de Wassila, décédé il y a trois ans : "Ce n'était pas seulement un mari, c'était aussi un véritable compagnon. Nous étions à la fac ensemble, nous avons milité ensemble. C'était un véritable soutien".
Une grande tristesse envahit son visage. En plus de l'affection réelle pour son mari encore palpable dans la voix, elle raconte comment le fait de rester veuve est mal vu. "Vis à vis des voisins, je ne peux pas faire venir des amis, c'est mal vu en tant que femme seule, sauf si ce sont des couples ou un groupe d'amis mixte. Le gardien, un ancien du RCD me surveille jour et nuit. Je ne peux pas faire la fête et rentrer à 4 heures du matin, les voisins parleraient." Elle rigole : "Dans ces cas-là, je préfère carrément ne pas rentrer de la nuit! On ne va pas virer le gardien même s'il surveillait sous Ben Ali. Que veux-tu que l'on fasse? On ne peut pas virer tout le monde. Il faut bien qu'il ait un travail..."
La pression sociale est encore très présente à l'égard des femmes. Et en tant que secrétaire adjointe régionale, Wassila est en contact permanent avec les tunisien(ne)s. " Je fais tout le temps attention à la façon dont je m'habille, surtout pour aller rencontrer les ouvriers. Je représente mon syndicat, c'est important la façon dont je me présente. Je dois pouvoir communiquer avec les ouvriers, ils me font confiance, et souvent la femme doit s'habiller d'une certaine façon chez eux. Sinon, ils me déconsidéreraient..."
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