Hier soir, alors que nous sommes quelques uns réunis dans le salon de Fathi et Maghda, Mokhtar Ben Hafsa un ami de la famille annonce une nouvelle qu'il vient d'entendre au journal télévisé. Nous sentons l'émoi envahir les personnes présentes. Mokhtar nous traduit en français : à Sidi Bouzid, un garçon de 14 ans a été tué par un policier lors d'une manifestation cet après-midi. Nous nous approchons tous de l'ordinateur portable de Mokhtar, son outil de travail militant et sa source d'informations, pour en savoir plus. Le journal est diffusé en arabe, Maghda nous explique : "Normalement les policiers tirent des balles en l'air pour faire peur, mais là il a tiré sur le garçon, et il était suffisamment près pour le tuer sur le coup... La balle a traversé en diagonale le flanc jusqu'au coeur. Il l'a fait sciemment!" Une discussion s'ensuit : "De toutes façons, les policiers ne devraient pas tirer avec des balles réelles...", "Dans un mouvement de panique, on ne maîtrise pas son arme...", "Tuer un enfant si jeune, mon dieu!"...
Les policiers sont les mêmes que sous Ben Ali et il n'y a aucune raison pour que les individus aient modifiés en 6 mois, les pratiques de toute une vie. Pourtant, la révolution a permis aux policiers de créer leur propre syndicat, ce qui leur était interdit sous la dictature de Ben Ali. Mais il s'agit d'une petite partie du corps policier. Beaucoup pensent qu'ils ont bien tiré leur épingle du jeu lors de la révolution car leur salaire a été immédiatement augmenté. Contrairement à certains militaires qui ont refusés d'obéir au gouvernement et de tirer sur le peuple, les policiers ont toujours été sous les ordres de Βen Ali. Fathi m'explique que l'on ne connaît pas vraiment les raisons pour lesquels les militaires n'ont pas tiré mais qu'il est sûr que ce n'est pas par humanisme. Car à chaque soulèvement du peuple, les militaires n'ont jamais hésité à faire des centaines de morts.
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