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jeudi 7 février 2013

Mort de Chokri Belaid J + 1

Les chats ont-ils bouffés de la lacrymo cette nuit?
Ce matin, la Tunisie se réveille avec la gueule de bois et moi aussi... Jusque tard dans la nuit des tirs et des cris ont résonné au loin tandis que les réseaux sociaux comme Facebook moulinaient à plein tubes. ... Jusque tard dans la nuit beaucoup de larmes ont été versées dans les rangs de la gauche et des révolutionnaires... Depuis hier, le climat est oppressant, on devient accro à la communication en ligne. On entend ça et là que partout dans le pays des manifestations ont lieu comme à Sidi Bouzid et sont comme toujours sévèrement réprimées par la police. Ici des gaz lacrymogène, là des chevrotines... Des manifestants ont incendié des locaux du parti Ennahda, notamment à Monastir, Sfax, Kasserine ou encore Bizerte.  L'UGTT a annoncé une grève générale de deux jours à partir de demain, où sera enterré le corps de Choukri Belaid. Déjà les magistrats et les avocats sont en grève dès aujourd'hui en soutien à leur collègue assassiné.
Ce matin, dans les rues de la capitale, la pluie vient terminer le tableau lugubre d'ambiance de fin du monde...
Les chats de Tunis ont encore bouffé de la lacrymo hier et cette nuit leurs cris de guerre résonnaient dans la rue
rendant un étrange écho aux altercations de la journée.
 Le leader du front populaire assassiné, c'est une tragédie, le gouvernement qui ordonne de tirer les lacrymo et sort les matraques sur l'ambulance qui contient le corps, c'est carrément une déclaration de guerre!
Hier le Premier ministre Hamadi Jebali annonçait la formation d'un nouveau "gouvernement de compétences nationales sans appartenance politique". Ce matin, on apprend que la majorité du parti Ennahda s'y oppose catégoriquement! L'UGTT confirme quand à elle la grève générale de demain. Après l'annonce officielle de cette grève, le secrétaire général de l'UGTT Houcine Abbasi, a reçu une menace de mort anonyme par téléphone : "Le prochain sur la liste, c'est toi"... ça fait froid dans le dos. Sur certains sites salafistes on lit que l'élimination va commencer par les chefs des partis de gauche et les syndicats et ensuite les militants. On me dit à plusieurs reprises "Même sous Ben Ali ce n'était pas comme cela". L'ombre des années noires de l'Algérie plane sur l'avenir de la Tunisie. Et beaucoup d'algériens mettent en garde leur voisin... Mais que faire lorsqu'une large partie de la population continue de ne vouloir rien voir. Dans les rangs des révolutionnaires de tous bords se lit un sentiment d'impuissance face à ce peuple divisé, "ignorant" disent certains lorsqu'ils ne sont pas en colère. L'habitude de la corruption ne s'efface pas du jour au lendemain. Sous Ben Ali beaucoup étaient du côté du plus fort, pour avoir un travail, pour contrer la peur, ou tout simplement par faiblesse et face à un pouvoir tortionnaire. Et quand la délation n'était pas pratiquée par certains, la corruption tenait lieu de Loi. Aujourd'hui la force est du côté des islamistes au pouvoir et on ne perd pas de vieilles habitudes de soumission, sous Ben Ali on enlevait le voile, sous le gouvernement Ennahda on est prêts à le remettre pour se protéger. La corruption, la peur instaurées par les dictatures sur le lit de la colonisation formatent les esprits. L'être humain s'habitue à tout, même aux habitudes les plus destructrices pour lui-même. Le courage de celles et ceux qui luttent malgré tout pour la liberté n'en est que plus louable.

Aucune manifestation n'a été officiellement déclarée pour aujourd'hui. Mais l'on sait sur les réseaux sociaux que les gens vont sortir manifester. Et ça ne tarde pas... Dès 11 heures, les marches du Théâtre sont remplies de jeunes scandant les slogans de la révolution avec force. Ils sont une petite centaine avec un public restreint qui observe sur le trottoir et de l'autre côté de l'avenue. Car les voitures circulent encore sur l'avenue Bourguiba, les gens travaillent et certains conducteurs klaxonnent en passant en signe de soutien. Une journée de répit? Il semblerait que la colère ne souffre aucun repos.
Vers 11h00, ils ne sont qu'une poignée à crier leur rage sur les marches du Théâtre. Malgré la pluie qui s'intensifie.
 

 La pluie s’abat violemment sur les manifestants, à croire que le gouvernement a commandé cela au ciel! Mais ni le froid, ni la pluie ne les arrêtera, il leur en faut plus, et en une heure, le rassemblement grossi, plus la pluie tombe et plus leur voix se fait entendre dans l'avenue. Depuis le café du théâtre la police civile observe à l'abri de la pluie l'évolution du rassemblement. Bientôt un petit cortège venant des bureaux de l'UGTT tout près de l'avenue rejoint les premiers manifestants, la foule est devenue plus nombreuse bien qu'elle soit loin d'atteindre les milliers de personnes présentes la veille. Tout le monde se dirige vers le Ministère de l'Intérieur et les policiers les attendent de pied ferme de chaque côté de l'avenue...


Hier, un policier est mort lors des affrontements finaux avec les jeunes qui balançaient des pierres. Leur haine envers les manifestants semble n'en être que plus attisée... Et lorsque je me dirige vers la foule rassemblée devant le Ministère de l'Intérieur, les forces de police sont prêtes à recevoir la foule en colère pourtant moins nombreuse qu'eux.


Moins d'une heure après, j'apprends que la police charge en balançant les bombes lacrymogène dispersant les manifestants. Comme à chaque confrontation, quelques téméraires restent malgré tout sur place pour affronter les forces de police. On dit également que des voyous ont tenté de voler et piller les magasins alentours...

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