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samedi 22 octobre 2011

Discussion politique

Les jeunes de l'UGET rassemblés devant
le Ministère des affaires étrangères
Dès 11 heures, Amira m’appelle pour que je la retrouve devant l’Ambassade du Maroc. Une manifestation est organisée par les jeunes de l’UGET (Union Générale des étudiants de Tunisie) en soutien à l’un de leur camarade, Malek Sghiri, arrêté au Maroc lors d’un meeting organisé par le Mouvement du 20 février (voir article). Je les retrouve devant le Ministère des affaires étrangères. Le petit groupe très actif a obtenu la promesse de la libération de leur camarade.
Je les accompagne au centre de Tunis, à la terrasse d’un café près de la place du 14 janvier 2011 (rebaptisée) où beaucoup de jeunes tunisois ont l’habitude de se retrouver. Une dizaine de personnes se retrouvent autour de la table. On discute dans la bonne humeur, heureux d’avoir encore une fois agi en semble en faveur de la liberté. Mais la liberté ne revêt pas les mêmes conceptions pour tous. Loin s’en faut. Bien que tous ces jeunes appartiennent au même syndicat étudiant (en réalité le seul existant sous Ben Ali), ils forment un groupe très hétérogène. Après s’être chacun présentés, le groupe propose de parler des élections et de ses choix. Plusieurs d’entre eux vont voter Ennahda, le parti islamiste, qui leur paraît «  le plus honnête » et qui « ne s’est pas compromis avec le pouvoir de ben Ali ». Habib, lui, va voter pour le CPR (Congrès pour la république) créé par Moncef Marzouki. Il considère ce parti comme « centre gauche » tout en me proposant un équivalent en France avec… l’UMP. Je tente de lui expliquer que l’UMP est plutôt un parti traditionnel de droite mais ce n’est pas facile à comprendre tellement l’histoire et les concepts politiques semblent brouillés. Habib explique son choix : « Après la révolution, seuls 3 partis sont restés fidèles à leur position et ne se sont pas compromis avec le gouvernement transitoire de Ghannouchi : Le CPR, Ennahda et le PCOT (Parti Communiste Ouvrier Tunisien). Je suis contre Ennahda et je ne suis pas communiste c’est pourquoi je vote CPR. ». 
Sur l’avenue de Paris, en plein centre de Tunis, un jeune homme cherche la liste pour laquelle il veut voter : le CPR (Congrès pour la République)
D’autres personnes me disent que le CPR est très à la mode actuellement car Marzouki a pris position contre le film Persepolis de Marjane Satrapi en déclarant qu’il manquait de respect envers les musulmans en produisant une image de Dieu, strictement interdit par la religion. Une jeune fille s’assoit à notre table. Elle s’appelle Takwa et affiche ses convictions politiques en arborant un autocollant du PCOT (Parti Communiste des Ouvriers de Tunisie) sur son sac. Militante de l’UJCT (l’Union des jeunes Communistes Tunisiens) depuis 2 ans, Takwa a seulement 19 ans. Arrive Maher, jeune étudiant en sociologie et fervent militant d’Ennahda. Je lui demande les motivations de son choix : « C’est le parti le plus organisé en Tunisie. C’est le premier courant politique. » me répond-il d’un ton assuré. J’essaie difficilement d’en savoir davantage : « C’est le plus grand programme… Il se base sur 365 points : Ils ont un programme social basé sur le rôle primordial de la famille et de l’éducation, pour avoir une génération bien cultivée. (…) On dit que les islamistes sont contre l’art : c’est faux car ils ont suggéré de construire une ville dédiée au cinéma ! ». Je souris à l’évocation de cette proposition… L'air docte, il tente de me convaincre et déclare : « Rached Ghannouchi est le seul philosophe existant dans le monde arabe. » « Le seul philosophe ? » « Oui. » Tout le monde éclate de rire, il tente de se rattraper : « C’est le seul qui ait une épistémologie ». Habib qui est près de lui demande « C’est quoi une épistémologie ? » « C’est une théorie philosophique »… S’ensuivent des discussions en arabe dont je devine aisément le propos. Habib tente de m’expliquer davantage les raisons de son choix pour le CPR : «  Ils vont poursuivre les idées de la révolution, ils sont du côté du peuple, des opprimés, des pauvres. Ils veulent un régime parlementaire ce qui est plus sûr qu’un président. Le leader est un vrai militant des droits de l’homme, il a été expulsé en France sous Ben Ali. C’est un homme honnête qui ramènera la Tunisie à la vraie démocratie. Mais je serais très déçu si Marzouki s’alliait avec Ennahda… ». Takwa, calme et posée semble déterminée. Elle écoute les conversations et parfois un sourire flotte sur son jeune visage. Quelqu’un désigne un jeune homme qui ne semble pas avoir envie d’entrer dans le débat : il va voter pour le PDM (Pôle Démocrate Moderniste). Gêné par l’attention qu’il suscite, il répond laconiquement « c’est le seul parti qui est contre Ennahda ». A la fois attaqué et en position de force dialectique, Maher, le jeune Ennahdiste veut entrer dans la polémique : s’ensuit une discussion passionnée en arabe. Takwa, la jeune communiste, se joint à son camarade Maher, pourtant son « ennemi » politique, car tous les deux considèrent avec la même force le PDM comme un traître : « C’étaient des opposants en carton car ils avaient des postes sous Ben Ali. Certains étaient des anciens membres du PSG (Parti Socialiste de gauche) et ont même soutenu ben Ali lors de son dernier discours ! » Le pauvre jeune homme semble faire l’unanimité contre lui. Une seule chose paraît lier les jeunes tunisiens : leur haine pour Ben Ali et son régime.
Dans le taxi, Takwa arbore fièrement ses convictions politiques... Et en profite pour tenter d'influencer le chauffeur qui dit ne pas savoir pour qui voter. Avant la Révolution,Tkwa était suivie par lapolice politique à cause de ses convictions.

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